La preuve est le point névralgique de tout litige. Qui doit prouver ? Comment ? Quelles preuves sont admises ? Nous répondrons à ces questions basiques, mais essentielles dans cet article.

La preuve en droit du travail

Qui doit prouver ?

En droit civil, le principe est le suivant : celui qui réclame l’exécution d’une obligation est tenu de la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Si vous exigez d’une autre personne qu’il respecte ses engagements, c’est à vous de prouver que l’autre s’est engagé auprès de vous. Inversement, si vous estimez avoir rempli vos obligations, c’est à vous de prouver que vous vous êtes exécutés.

Mais des règles spécifiques existent en matière de droit social.

La preuve incombe exclusivement au salarié qui agit en justice lorsque :

  • il souhaite faire requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Le salarié doit donc prouver que son employeur a commis des manquements quant aux caractéristiques du licenciement.
  • il conteste toute modification de ses conditions de travail, comme une mutation.

Dans les autres cas, la preuve doit être apportée tant par le salarié que par l’employeur : le salarié apporte un premier élément de preuve qui laisse supposer l’existence du fait, et c’est à l’employeur de prouver que sa décision, ses actes sont justifiés. Cette règle s’applique en matière de :

  • Discrimination
  • Temps de travail effectué
  • Harcèlement
  • Etc.

Comment prouver ?

Devant le juge prud’homal, la preuve est libre. Il est donc possible d’apporter la preuve voulue par tous moyens.

Cette règle permet de pallier la position de faiblesse dans laquelle peut se trouver un salarié face à son employeur. Ainsi, il lui est possible de « produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions », lorsque c’est « strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans le litige l’opposant à son employeur ».

Il peut donc produire en justice des documents qu’il a pu avoir entre ses mains lors de l’exercice normal de ses fonctions. Les documents ainsi utilisés doivent être utiles à sa défense : ils doivent donc venir prouver les faits allégués par le salarié, et être les seuls documents à les prouver. Dans le cas contraire, il pourra être poursuivi pour vol par exemple.

Il est également possible :

  • d’utiliser un message vocal laissé sur une messagerie : il est considéré comme loyal d’utiliser cet enregistrement contre l’auteur du message, celui-ci sachant que le message laissé est enregistré délibérément.
  • D’utiliser des Sms : il est possible de faire constater par un huissier de justice les messages échangés (par exemple, prouver le harcèlement sexuel). Comme pour le message vocal, l’auteur a conscience de la possibilité qu’a le destinataire de conserver ce message écrit.

L’employeur, quant à lui, peut aussi utiliser :

  • Des enregistrements (comme des images de vidéo-surveillance) si ce système de surveillance a été installé dans le but exclusif de surveiller l’activité professionnelle des salariés, et si ces derniers en étaient informés.
  • Des messages électroniques qui n’ont pas le caractère “personnel” (mails sur la boite professionnelle non identifiés comme personnels, messages facebook non privés, etc.).
  • Ainsi, il est possible d’apporter une preuve qui peut porter atteinte à la vie privée du salarié si elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve.

Il reviendra au juge prud’homal d’apprécier souverainement la valeur et la portée des preuves rapportées.

Il a tout de même l’obligation de ne pas dénaturer les documents qui lui sont présentés : cela signifie qu’il est libre de juger la pertinence d’une preuve, mais il ne doit pas déformer le sens de ces documents.

Quelle preuve est refusée ?

Le Code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Ainsi, les règles énoncées précédemment sont des exceptions face à ce principe de la loyauté de la preuve.

Il n’est pas possible non plus de se constituer une preuve à soi-même en témoignant. Il a été jugé, par exemple, que la preuve de la notification au salarié de la rupture de son CDD avant l’expiration de la période d’essai résulte d’une attestation de la directrice générale de la société, le seul élément de preuve retenu ne peut donc qu’émaner d’un représentant légal de la société.

La preuve en droit commercial

Rappel : les règles développées ici ne concernent que les commerçants. 

Ainsi, une société civile immobilière, par exemple, qui n’a donc pas la qualité de commerçant, doit rapporter la preuve de la date de conclusion de bail dans les conditions du droit civil.

Comment prouver en matière commerciale ?

Le Code de commerce dispose qu’ “à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi”.

Il y a donc une dérogation aux règles du droit commun : il y a une liberté de preuve pour le commerçant qui agit dans l’exercice de son commerce.

Il est donc possible d’apporter la preuve voulue par tous moyens : devis, facture, etc. 

Mais attention, car dans un acte mixte (acte étant de droit commercial et de droit civil) par exemple un acte entre une banque (commerçant) et un particulier (non commerçant) :

  • la preuve se fait par tous moyens contre le commerçant.
  • les règles de preuve de droit civil s’appliquent envers le défendeur non commerçant pour lequel l’acte est de caractère civil.

Pourquoi des règles spéciales ?

Cette absence de formalisme s’explique par les exigences de la matière commerciale.

Ainsi, en plus des règles issues du Code de commerce, il peut s’appliquer entre commerçants divers us et coutumes, pratiqués de façon habituelle. C’est aussi un domaine en perpétuel mouvement, et au sein duquel les rapports doivent se faire rapidement au rythme des affaires conclues par le commerçant.

Les règles sont plus rigides concernant le non-commerçant : celui-ci, profane, doit prendre un engagement en pleine connaissance de cause, et passer un acte en étant informé de façon précise. Ce formalisme se retrouve notamment au sein du Code de la consommation.

Quelle preuve est refusée ?

Le principe général de ne pas rapporter une preuve déloyale s’applique en matière commerciale. En théorie, il n’est donc pas possible, par exemple, d’utiliser des stratagèmes pour piéger la personne afin de se constituer une preuve.