La responsabilité civile (délictuelle) : l’indemnisation d’un préjudice

La responsabilité civile délictuelle se caractérise par la présence d’une faute causant un préjudice devant être réparé. Qu’est-ce que cela signifie ? (I). Quand est-on responsable (A)? Qui est la victime (B)? La responsabilité peut-elle être atténuée ou peut-on l’exonérer (C)? Autant de questions qui trouveront leurs réponses dans cet article.

Mais alors, comment agir pour mettre en oeuvre cette responsabilité et voir son préjudice indemnisé? Nous aborderons ce point en deuxième partie (II)

I) La responsabilité civile délictuelle : faute causant un préjudice. C’est quoi ?

La mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle 1 permet de venir indemniser un dommage subi en dehors de tout contrat entre la victime et la personne responsable.

Ce mécanisme va venir réparer intégralement le préjudice subi : toute personne est responsable de ses actes, et donc réparer le dommage qu’elle cause 2.

En droit français, la réparation, c’est à dire l’indemnisation du préjudice de la victime, sera calculée en fonction du préjudice qu’elle a subi.

En responsabilité civile délictuelle il faut un responsable ayant par sa faute causé un préjudice (A) à une victime (B). Toutefois, s’agissant de la faute commise, il existe des exonérations ou atténuations (C).

A) Quand est-on responsable ?

Plusieurs conditions doivent être cumulativement réunies pour pouvoir actionner la responsabilité civile délictuelle d’un individu :

  • Il faut une faute, qui correspond à un fait générateur du dommage.
    C’est le résultat d’un acte anormal, déraisonnable : dès qu’il cause un dommage à autrui, le comportement est fautif. Cette faute est différente de la faute pénale.
    Cette faute peut être intentionnelle comme non-intentionnelle, et on prendra en compte le résultat (le préjudice subi).
    Ce peut être de notre propre faute, mais aussi de la faute d’une chose ou d’un animal dont on a la garde, voire même du fait d’autrui lorsqu’on doit en répondre (comme le fait d’un enfant, ou d’un employé/apprenti).
  • Il faut un dommage, une atteinte portée à autrui
    Ce dommage peut être moral, matériel ou corporel.
    Exemples : perte de revenus, gain manqué, frais occasionnés, préjudice esthétique, souffrances endurées, déficit fonctionnel, atteinte à l’honneur, préjudice d’anxiété, impossibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison du handicap de la victime (préjudice d’établissement), préjudice pour les proches pour le traumatisme lié à la fin de vie de la victime, impossibilité d’exercer des activités suivies avant le dommage (préjudice d’agrément), etc …
  • Ce dommage est nécessaire : si le dommage est inexistant, on ne pourra pas demander une indemnisation.
  • Ce dommage doit être certain : sauf exceptions, on ne peut indemniser un dommage qui ne serait qu’hypothétique. L’appréciation des juges est importante en la matière. Toutefois, un dommage futur, c’est à dire un dommage avec de fortes probabilités de se réaliser, sera indemnisable. La justice a par exemple pu reconnaître un dommage futur pour des salariés en contact avec de l’amiante, et qui peuvent développer une maladie liée à cet environnement.
    Une perte de chance certaine (comme par exemple lorsque le médecin ne vous indique pas les risques liés à l’opération, et que vous subissez un préjudice après la réalisation de l’un de ces risques) est aussi prise en compte.
    Dans tous les cas, c’est au juge d’apprécier au cas par cas les affaires présentées afin de déterminer si le dommage rempli ce critère de “certitude”.
  • Le dommage doit être direct : il est la conséquence immédiate de la faute commise.
  • Enfin, le dommage doit être licite, légitime. En effet, par exemple, la perte d’un revenu issu d’un commerce interdit ne pourra pas être réparée.
  • Il faut un lien de causalité entre cette faute et ce dommage. La cause citée doit avoir eu pour effet le dommage rapporté. Il faut que le fait subi ait pu provoquer le préjudice dont on demande réparation.
    Attention, c’est en principe à la victime de prouver ce lien de cause à effet. Toutefois, il existe des exceptions, appelées “présomptions”, où l’on présume le lien de causalité entre un individu particulier et le dommage. C’est par exemple le cas pour la responsabilité du fait des choses.

Le juge vérifiera tous ces éléments. Il pourra donc écarter une demande s’il estime qu’elle ne rempli pas les critères.

B) Qui est la victime?

Il existe la victime directe d’un préjudice. Elle peut solliciter une réparation de son dommage en actionnant la responsabilité civile du responsable.
Cette victime doit être vivante et viable : une personne décédée, ou un enfant qui n’est pas encore né ne peuvent se prévaloir de ce mécanisme. Néanmoins, si l’enfant naît avec un handicap des suites du fait générateur (d’une faute médicale par exemple), il pourra être considéré comme victime 3.

Par ailleurs, il existe les victimes par ricochets (victimes indirectes). Qui peuvent elles aussi solliciter une réparation. Pour ce faire, il faut qu’elles aient subi un préjudice matériel ou moral, en lien avec le fait générateur du préjudice de la victime directe. Dès lors, elles ont un préjudice personnel.
Il est nécessaire de démontrer un lien étroit entre la victime directe et la victime par ricochets. Ce n’est pas forcément un lien de droit, mais elles doivent être proches : conjoint, concubin, frère, enfant, belle-fille …

En cas de décès de la victime directe :  les proches bénéficient d’une action héréditaire : il faut que la victime directe ne soit pas morte directement à la suite du préjudice. Les proches actionneront la responsabilité civile du responsable avec les droits de la victime directe, « en son nom ».

C) Existe-il des cas où la responsabilité peut-être atténuée voire non prise en compte?

La réponse est oui. Plusieurs situations vont permettre d’exclure la prise en compte des faits et donc d’exclure une réparation :

  • L’acceptation des risques (domaine sportif et médical notamment) 4, va exonérer le responsable de toute responsabilité. La victime ne va pas consentir au dommage en lui-même, mais elle va accepter les risques encourus. On ne pourra donc pas reprocher à un individu des conséquences dommageables (causés par exemple à cause d’un objet), si lui-même n’a commis aucune faute personnelle.
    Cette exonération est conditionnée. En effet, elle se limite aux risques normaux liés à l’activité pratiquée, et par l’absence de violation d’une règle spécifique de prudence ou de sécurité. En outre, on ne peut pas accepter un risque anormal, et excessif.
    L’acceptation des risques est exclue dans certains domaines : lorsque c’est hors compétition pour un sport (entraînement, échauffement, sortie …), lorsque le risque est donc anormalement élevé.
  • La force majeure 5 : c’est lorsque le dommage causé est le résultat d’un événement exceptionnel, imprévisible, extérieur au responsable, et pour lequel l’individu n’a rien pu faire pour l’empêcher (par exemple, une catastrophe naturelle, un incendie, etc.)
  • La faute de la victime 6 peut être prise en compte pour exclure ou limiter la réparation de son préjudice (par exemple, la victime n’a pas appliqué les mesures de sécurité données par la direction).
    Si cette faute de la victime remplit les conditions de la force majeure (imprévisible, et irrésistible), le responsable du préjudice sera totalement exonéré de sa responsabilité.
    Dans les autres cas, le juge pourra prendre en compte la gravité de cette faute pour plus ou moins atténuée la responsabilité du responsable.
  • Le fait d’un tiers 7 : il s’agit d’une personne étrangère, autre que la victime ou le responsable. Si ce fait a les mêmes caractéristiques que la force majeure, il va également exonérer totalement de toute responsabilité.

II) Comment agir pour mettre en oeuvre cette responsabilité et voir son préjudice réparé :

Lorsque l’indemnisation est due, elle doit être intégrale, ce qui veut dire que tout le dommage doit être réparé, sans que cela vienne appauvrir ou enrichir la victime indemnisée.
Le plus souvent, l’indemnisation se fait par équivalent, c’est-à-dire par le versement d’une somme d’argent (dommages-intérêts) à la victime pour compenser et réparer son préjudice. Plus rarement, la réparation peut se faire en nature : par exemple, remplacer ou reconstruire une chose qui aurait été détruite. On va remettre les choses en l’état de façon matérielle

Pour être indemnisé en matière de responsabilité civile délictuelle, il est nécessaire d’agir devant les juridictions civiles. Selon le montant estimé de l’indemnisation, la procédure se fera devant le tribunal d’instance (moins de 10 000€), ou devant le tribunal de grande instance (plus de 10 000€).

Vous retrouverez toutes les informations sur « comment agir au civil » dans notre article qui y est consacré.

Conseil : afin d’estimer au mieux votre indemnisation, il est conseillé de faire appel à des professionnels : juriste, avocat, médecin, experts … Ces différents recours ont évidemment un coût supplémentaire à la procédure judiciaire, mais ils peuvent permettre d’augmenter vos chances d’obtenir une juste indemnisation. La présence d’un professionnel permet d’être soulagé lors d’une procédure souvent impressionnante.
Le médecin-expert connaît votre passé médical et les préjudices que vous venez de subir, l’avocat connaît la procédure et son déroulement, ainsi que l’actualité en droit concernant votre préjudice, et peut par ailleurs s’opposer à l’utilisation de certaines techniques qu’il juge inadaptées. En d’autres termes, il vous assiste de façon générale durant toute la procédure.

Si vous souhaitez de plus amples détails sur le calcul de l’indemnisation, vous pouvez vous reporter à l’article « l’indemnisation de la victime au pénal » qui traite des méthodes de calcul existantes.

IMPORTANT : l’avocat est obligatoire si la procédure se déroule devant un tribunal de grande instance 8.

Si le préjudice subi est en lien avec une infraction pénale (préjudice subi à la suite de violences volontaires, ou d’un vol …), il est possible de vous constituer partie civile : vous obtiendrez réparation par la juridiction répressive, chargée de sanctionner le responsable de son comportement interdit.


  1.  Articles 1240 et suivants du Code civil (depuis l’ordonnance du 10 février 2016, entrée en vigueur au 1er octobre 2016). 
  2.  cela signifie que tout le préjudice, toutes les conséquences dommageables doivent faire l’objet d’une indemnisation. Néanmoins, seul ce préjudice, qui est la conséquence d’un dommage précis, pourra faire l’objet d’une indemnisation : vous ne pouvez pas demander une réparation pour un autre préjudice qui n’a aucun rapport avec le dommage en cause.Cette réparation intégrale a pour but de tenter de vous remettre, en tant que victime, dans une situation proche de celle avant de subir le préjudice. 
  3.  L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles. 
  4.  Jurisprudence, fondée sur l’article 1242 du Code civil (ancien article 1384 alinéa 1er). 
  5.  Eléments constitutifs : 1218 du code civil et jurisprudence sur l’article 1242 du Code civil (jurisprudence Jand’heur). 
  6.  Jurisprudence, fondée sur l’article 1242 du Code civil (ancien article 1384 alinéa 1er). 
  7.  Jurisprudence, fondée sur l’article 1242 du Code civil (ancien article 1384 alinéa 1er). 
  8.  Article 751 du Code de procédure civile. 

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